Dévaste-moi, un spectacle avec une dimension autobiographique



Malentendance
A ta façon de m’écouter,
Je sens bien que tes yeux m’arraisonnent,
Et j’ai le dedans qui s’étonne,
De tous mes sens endormis.
Je ne parle pas de ton silence,
Voilà que pour me parler tu danses,
Ton sourire est de connivence
Et tout mon être en est envahi.
Je ne connais pas ton langage
Où tes mains me sont comme un mirage,
D’où les oiseaux s’envolent en vrai,
Tu les décris, moi j’entends leurs cris.
Tes mouvements sont des images
Que vient mettre en couleur ton visage,
Quand je ne comprends pas, j’enrage,
Mais tu prends le temps tu me conduis
Sur un violon imaginaire,
Tu me donnes à moi seul un concert,
Tu m’apprends des sons dessinés,
Que je ne pouvais imaginer.
Quand je m’en vais, quand je m’évade,
Que je pars en musique, en balade,
Je sais que cette promenade,
Je ne peux jamais t’y emmener.
Mon amie des roses et du jour,
Ma tendre amie, mon enfant sourd,
Pour te dire plus souvent « bonjour »,
Je dois apprendre à te parler.
Tu n’entendras pas ma musique,
Elle est un brin mélancolique,
J’voudrais la souffler sur ta peau,
Qu’elle te soit comme un courant chaud.
Malentendance,
paroles Philippe Laborit (1980)
musique Alexandre Rochon (2017)

Malentendance est le seul texte édité dans ce dossier. Il est écrit par Philippe Laborit
pour sa nièce Emmanuelle lorsqu’elle est enfant. C’est la seule chanson extérieure au « répertoire » et composée à l’occasion de la création de Dévaste-moi par Alexandre Rochon. En découvrant le poème projeté en lettres géantes derrière Emmanuelle qui le chant-signe, on ne peut que lire cette déclaration comme l’annonce quasi-prophétique de l’artiste comédienne qu’Emmanuelle Laborit va devenir. Comment ne pas retrouver dans ces interprétations ces « sons dessinés », ces «mouvements (qui) sont des images », « ces mains comme un mirage d’où les oiseaux s’envolent en vrai » ?
Surtout, Dévaste-moiapparait comme une réponse à la requête impossible de l’oncle : partager la musique, faire entrer en communion de signes son monde d’entendant et avec le « violon imaginaire » d’Emmanuelle. Le violon imaginaire, c’est la mélodie inédite écrite par Alexandre Rochon – la part qui manquait - que chansigne pour la première fois Emmanuelle. Après la chanson de Brigitte Fontaine qui donne son titre au spectacle, Malentendance est peut-être le deuxième cœur de Dévaste-moi parce qu’il désigne à la fois la genèse de spectacle et sa nécessité.

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