"Ce fut comme une apparition" extrait de L'Education sentimentale
Nous avons lu en classe la scène de rencontre entre Frédéric Moreau et Mme Arnoux, en prolongement de la pièce de théâtre Mémoires d'un fou.
Voici quelques exemples de commentaires que l'on trouve en ligne et que vous devez travailler pour acquérir la méthode , surtout si vous n'avez pas pris beaucoup de notes pendant mon cours.
Notes de mon propre cours, même si en classe pour aller vite j'ai simplifié mon propos:
Autre proposition: http://lewebpedagogique.com/bac-premiere/flaubert-leducation-sentimentale/
Autre proposition sous forme de plan détaillé:
Voici quelques exemples de commentaires que l'on trouve en ligne et que vous devez travailler pour acquérir la méthode , surtout si vous n'avez pas pris beaucoup de notes pendant mon cours.
Notes de mon propre cours, même si en classe pour aller vite j'ai simplifié mon propos:
La
rencontre de Mme Arnoux, placée sous le signe d’un éblouissement et
d’une révélation s’effectue à travers le regard de Frédéric.
L’idéalisation immédiate de la jeune femme témoigne d’un phénomène de
cristallisation amoureuse (cf De l’Amour de Stendhal),
symptomatique d’un certain rapport au monde. Rêverie, contemplation
passive ou ébauche maladroite d’actions préfigurent en effet l’attitude
qui sera celle du jeune homme face à la vie.
1. Les effets de la rencontre
*Soudaineté d’une révélation.
L’apparition
de Mme Arnoux représente une véritable naissance pour le personnage :
il découvre la beauté : « jamais il n’avait vu cette splendeur de sa
peau brune » en même temps que l’amour. La rupture avec le spectacle qui
s’est jusqu’à présent offert à ses yeux est rendue par le contraste
entre le registre du vocabulaire. On note ainsi le prosaïsme de
certaines notations précédant le passage, comme par exemple la mention
du « bruit de charbon de terre dans le fourneau » en opposition avec la
connotation religieuse du mot « apparition ».Frédéric bouscule d’abord
des chasseurs avec leur chien avant de voir le personnage féminin.
La
disposition typographique contribue également au contraste, puisque la
première phrase constitue à elle seule un paragraphe. L’évocation de la
jeune femme est ainsi détachée du reste du passage, en amont du texte,
mais aussi en aval, grâce aux deux points créateurs d’une attente et
d’un suspens ("ce fut comme une apparition :")Le monde extérieur
s’évanouit alors pour Frédéric, comme en témoigne la retouche corrective
apportée par le narrateur : « elle était assise, au milieu du banc,
toute seule ; ou du moins il ne distingua personne ».
*un éblouissement
La
révélation est associée à un double champ lexical de la lumière et du
regard. Au premier se rattachent "apparition" et "éblouissement", terme
hyperbolique qui signale l’intensité extrême de l’éclat. Le second est
représenté par des verbes de perception visuelle qui ont tous pour objet
la jeune femme.( "il la regarda, jamais il n’avait vu cette splendeur
de sa peau") ou des choses lui appartenant ( "il considérait son panier à
ouvrage"). On observe une seule exception ( "il affectait d’observer
une chaloupe") mais le contexte et le sème de dissimulation contenu dans
"affectait" rendent évident le sens implicite de la proposition. Le
personnage ne fait semblant de regarder la chaloupe que pour mieux
regarder la jeune femme.
*Un paroxysme de l’émotion.
Le
haut degré de l’émotion s’exprime à travers deux termes hyperboliques :
« éblouissement » et « ébahissement », choisis pour leur sens
(aveuglement et stupéfaction extrêmes, avec un sème possible
d’admiration) mais peut-être aussi leur ressemblance formelle (même
nombre de syllabes, même formation, même terminaison). Ces deux
substantifs fixent le ton hyperbolique du passage.
Les
autres signes de l’émotion sont tout d’abord une perte de maîtrise du
personnage ("il fléchit involontairement les épaules"), ensuite une
sorte d’affolement que révèle l’incursion dans le monde intérieur :
l’accumulation de termes au sein d’une énumération structurée selon un
rythme binaire ("son nom, sa demeure, sa vie, son passé") puis ternaire
(les meubles, les robes, les gens) mime la foule jaillissante et
désordonnée d’impressions et de pensées qui assaillent le personnage.
Cette
émotion amoureuse suscite une rêverie dont la jeune femme est le
centre, comme en témoigne la circularité de la première phrase du 3 eme
paragraphe, qui s’ouvre et se clôt sur le même pronom « elle ».
L’effacement du monde extérieur a pour contrepartie la minutie fascinée
d’un regard qui s’attache aux moindres détails de l’apparence et du
vêtement ("chapeau de paille, rubans roses, robe de mousseline tachetée
de petits pois"). La pensée se déplace par contigüité de la personne aux
objets, puis aux gens qui constituent son univers familier. L’émotion
culmine dans une surenchère hyperbolique. Une gradation ascendante
permet en effet de radicaliser les interrogations du personnage en les
étendant à tout ce qui participe de la vie de Mme Arnoux : le passage
s’achève sur l’évocation d’ « une envie plus profonde et d’une
curiosité qui n’avait pas de limites. »
2. Un portrait idéalisé.
*Une description euphorique
La
jeune femme semble poser sous le regard d’un peintre (point de vue de
Frédéric). Ainsi elle reste immobile ("elle était assise, comme elle
gardait la même attitude") tandis que le personnage se déplace autour
d’elle (« quand il se fut mis plus loin, il fit plusieurs tours de
droite et de gauche, il se planta tout près ») certains termes semblent
d’ailleurs renvoyer explicitement à l’art du dessin et de la peinture
tels "se découpait, fond" ou "ovale".
On
note ainsi une attention portée aux formes, mais aussi aux couleurs (
« roses, noir, bleu, brune ») et à l’éclat, à travers la mention de la
lumière et du terme splendeur qui s’y réfère indirectement par son
étymologie. Une dynamisation de la description est visible : palpitation
des rubans, emploi de verbes de mouvement (« contournant, descendait »)
qui reflètent la progression du regard de Frédéric en associant le
lecteur-spectateur à cette contemplation.
Toutes
ces notations témoignent d’une euphorie des sensations, d’autant
qu’elles s’accompagnent d’une rêverie aérienne suggérant la légèreté et
immatérialité au moyen du verbe « palpitaient » et du substantif
« mousseline » qui évoque un tissu vaporeux. Le rythme lui-même comme
suspendu donne l’impression d’un souffle dans la première phrase du 3eme
paragraphe : « elle avait un large chapeau de paille avec des rubans
roses, qui palpitaient au vent derrière elle ». Le schéma métrique fait
apparaître un mouvement d’amplification syllabique (5-5 puis 6-6) puis
une pause marquée par la virgule et une retombée sur un groupe de 3
syllabes ("derrière elle"). A ce rythme syllabique s’ajoute un jeu de
sonorité qui relie les composants de la phrase en les baignant dans une
même atmosphère harmonique : assonances en a et en è suggérant ouverture
et élargissement (« elle, avait large, chapeau, aille, avec,
palpitaient, derrière, elle »), allitération en r et en l connotant une
certaine fluidité, mais aussi en p et en v.
*une sacralisation
Mme
Arnoux est divinisée. Le terme "apparition" désigne une manifestation
d’un être surnaturel. La réitération insistante des marques de 3eme
personne, la majuscule inattendue après deux points « Elle » participent
d’un grandissement du personnage, d’ailleurs présenté comme un être
d’exception (« jamais il n’avait vu ») et associé au ciel puisque la
silhouette « se découpait sur le fond de l’air bleu ». Or on peut
remarquer que le bleu et le blanc sont la couleur de la Vierge et que la
jeune femme s’appelle Marie.
Des
procédés d’écriture déréalisent le personnage et font de lui un être
abstrait presque. Ainsi l’adynaton, cas particulier de l’hyperbole,
pousse l’exagération jusqu’à l’impossibilité : « cette finesse des
doigts que la lumière traversait ». Les trois hypallages ("splendeur de
sa peau, séduction de sa taille, finesse des doigts") transfèrent les
adjectifs attendus (peau splendide, taille séduisante, doigts fins) dans
la classe des substantifs ; Ainsi les éléments du corps qui servent de
supports à la perception ( peau, taille, doigts) deviennent secondaires
comme si Frédéric cherchait avant tout sous les apparences concrètes des
essences abstraites et immuables( splendeur, séduction, finesse). On
peut donc réinterpréter la thématique aérienne : Mme Arnoux n’est pas de
ce monde, elle appartient à un univers idéal.
· Un
personnage romanesque exotique, fantasmatique mais dont le désir est
masqué sous la figure maternelle : l’importance de la servante noire,
l’évocation des îles , la scène de l’enfant et du discours entendu rendu
à l’indirect libre, la femme à sa couture.
3 Une rencontre surtout fantasmée.
· Une absence d’échange.
Il
n’ y a de rencontre que pour Frédéric (focalisation interne à sens
unique, discours indirect libre qui révèle la rêverie du jeune homme et
les phénomènes de cristallisation) dans la mesure où le regard de Mme
Arnoux ne rencontre jamais le sien avant le moment du rattrapage du
châle qui ne dépend pas de son initiative mais du hasard.. Non seulement
« elle leva la tête » n’est pas synonyme de « elle le regarda », mais
la jeune femme est mise dans l’impossibilité de voir Frédéric dans la
mesure où celui-ci lui jette un regard oblique (« plus loin, affectait
d’observer la chaloupe »). Le seul discours n’est pas celui des paroles
échangées mais le discours intérieur du jeune homme transcrit grâce au
style indirect libre (« quels étaient son nom… ») et à la
narrativisation des pensées ( « Il souhaitait connaître »).
*Le rêve : un substitut du réel.
Certes
le personnage fait preuve d’une certaine audace quand il se rapproche
de Mme Arnoux ( "Il se planta tout près de son ombrelle") et le
substantif « manœuvre » pourrait bien avoir une connotation militaire
étant entendu que la séduction s’exprime en général en termes de
conquête. Mais ce défi, si défi il ya, est aussitôt annulé par la
contemplation indirecte de la femme.
On
observe une passivité du jeune home qui semble préférer le rêve à
l’action : il se réfugie dans ses pensées, et le champ lexical du
désir : (souhaitait, désir, envie, curiosité) ne s’accompagne d’aucun
acte décisif. Frédéric ne peut donc vivre ce désir que de façon fictive,
comme le montre l’érotisation du portrait : « Ses bandeaux noirs,
contournant la pointe de ses grands sourcils semblaient presser
amoureusement l’ovale de sa figure » Le verbe « semblaient » montre la
subjectivité de l’impression, tout comme dans la première phrase du
texte l’emploi de « comme » fait entendre deux voix, celle du
personnage, qui prend le réel pour du surnaturel, et celle du narrateur,
qui n’est, quant à lui, pas victime de cette confusion ;
l’impossibilité de rejoindre le réel condamne Frédéric à
l’insatisfaction. La « curiosité » n’est « douloureuse » que parce
qu’elle ne saurait être assouvie.
Seul
le hasard du mouvement du châle –comme une sorte de figure du destin-
permet la rencontre du regard et peut-être la réciprocité du le coup de
foudre. Le jeune homme ne prend pas vraiment d’initiative, son geste de
rattraper le châle est un geste réflexe.
*une distance ironique du narrateur flaubertien .
L’amour
éprouvé par le personnage peut expliquer la transfiguration d’un objet
banal lié à Mme Arnoux ( « Il considérait son panier à ouvrage…comme une
chose extraordinaire ») mais la dénonciation du caractère arbitraire
d’un tel jugement est redoublée par le procédé de l’attente trompée.
Celui-ci ménage une chute inattendue, parce que la réaction de Frédéric (
« avec ébahissement ») paraît disproportionnée si on la rapporte à
l’objet qui le suscite( son panier à ouvrage). Par conséquent
l’éblouissement du début se dégrade en ébahissement face à un objet sans
intérêt et anti poétique qui contraste avec l’idéalisation du
personnage. La naïveté du jeune homme est donc dénoncée avec ironie par
le narrateur, dont la voix, discordante ramène le lecteur, à défaut de
Frédéric, à la réalité en dénonçant la maladresse( par ex: "il se
planta", "manoeuvre") des agissements du personnage inexpérimenté et le
caractère convenu de ses fantasmes.
Cette
scène de rencontre est décisive en ce qu’elle immobilise la vie
affective du personnage. Les autres femmes lui apparaitront en effet
comme une version dégradée de l’idéal amoureux. Frédéric conserve tout
au long du roman son attitude de refus devant l’action. Alors qu’il est
aimé de Mme Arnoux, il ignore tout de cet amour puisqu’il n’a rien
tenté. La dernière entrevue révèle cet amour, mais trop tard : les deux
personnages se seront croisés sans jamais se rencontrer.
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Situation :
Nous sommes
à cinq ou six pages du début de l’œuvre: en 1840, Fr. Moreau quitte Paris pour Nogent
sur Seine. Le personnage a sommairement été
présenté au
lecteur : il est bachelier, espère un héritage et se déclame des vers
mélancoliques. Il se crée donc un horizon d’attente -le roman de formation d’un
jeune romantique- que Flaubert va s’attacher à déconstruire.
I-Un
portrait pictural
>le motif
-L’attitude
de Frédéric est celle d’un peintre : s’éloigne, se tourne...
-Madame
Arnoux se détache en motif romantique - au milieu du banc toute seule, rubans
qui palpitent, sa robe forme un drapé pictural – mais aussi selon
le topos de
la Vierge à l’enfant posé sur ses genoux (ceci annonce à la fois son prénom et
la troisième partie où elle se dévouera à son fils malade) comme en témoigne le
vocabulaire religieux de l’ « apparition ».
>les
couleurs
Ce sont les
couleurs contrastées d’un tableau impressionniste :
roses, noir,
bleu, brune, violettes ...
>la
lumière
Elle connote
l’idée de pureté et renforce le motif marial : éblouissement, doigts que la
lumière traversait.
Par ailleurs
ce tableau très harmonieux se double d’un rythme qui va renforcer cette
atmosphère paisible.
>le
rythme
Le 2°§ se
compose d’une cadence majeure à laquelle succèdent deux phrases en rythme
ternaire : le tempo est donc à la fois enthousiaste et régulier. Il se double
d’une forte allitération en [S] aux 2° et 4° § créant ainsi un portrait à
valeur proleptique conforme à ce que sera Mme Arnoux dans tout le roman - un
idéal de douceur.
Il s’agit
maintenant de se poser les questions suivantes : Qui fait ce portrait ?
Pourquoi apparaît-elle si belle ?
II- Ce que
voit Frédéric ; ce qu’il imagine.
>Le point
de vue interne
La
description est assumée par Frédéric comme en témoignent les nombreux verbes de
vision ainsi que les modalisateurs (amoureusement, splendeur
).
On bascule
petit à petit dans l’imagination de Frédéric grâce à l’utilisation du discours
indirect libre dans le 4°§ : le lecteur n’a plus seulement accès à ce qu’il
voit mais aussi à ce qu’il pense, ce qu’il imagine. Ainsi se forme la dynamique
du texte : une plongée progressive dans l’esprit de Frédéric. Dans le même
temps, nous sommes par définition à mi-chemin entre la narration et le discours
et se pose légitimement la question : le narrateur assume-t-il pleinement les
pensées de son personnage ? Ceci peut-être un fil conducteur d
e toute
l’étude du roman.
>L’excès
Frédéric
bascule instantanément dans l’idolâtrie et souhaite connaitre
sa chambre,
toutes les robes, les gens ce qui est résumé dans la formule « une curiosité douloureuse
qui n’avait pas de limites ». Le personnage est donc présenté dans toute son
hubris : le lecteur sait ce que sera sa perte.
>les
clichés romanesques
Frédéric
mêle tous les clichés de son époque :
-l’exotisme
: la négresse rappelle les tableaux de Delacroix,
l’andalouse évoque
Carmen et la créole fait référence à Paul et Virginie.
-le voyage :
Frédéric renvoie à la littérature de voyage avec la rêverie
au milieu de
la mer.
Ainsi,
l’imagination du personnage prend appui sur ses lectures romanesques et ne
témoigne d’aucune originalité.
Mais que
pense donc le narrateur de son personnage ?
III- Regard
du narrateur sur son personnage
>L’attitude
de Frédéric
Le narrateur
met en scène sa gaucherie en insistant sur le manque de naturel de toutes ses actions
:
pour
dissimuler sa manœuvre (voc. Militaire), se planta, affecta
Ceci doit
être mis en relation avec l’ensemble du roman : jamais il n’ose aborder Madame Arnoux
ni même Rosanette.
>Les
pensées de Frédéric
Le narrateur
nous invite à voir, à prendre conscience de la banalité de la scène: ce ne sont
que des choses.
- comme une
chose extraordinaire
-se
réjouissait d’entendre ces choses comme s’il eût fait une découverte
Le lecteur
fait donc le va-et-vient entre l’enthousiasme de Frédéric et la lucidité du
narrateur mais tout ceci sans appuyer, avec légèreté. Tout ceci culmine au
dernier § quand Frédéric s’imagine au milieu de la mer lorsqu’il n’est que sur
la Seine.
>La
rencontre
Il s’agit
d’une scène de première rencontre mais celle-ci a-t-elle vraiment lieu? Lorsque
le sommet narratif a lieu – leurs yeux se rencontrèrent
–annonciateur
probable d’un coup de foudre amoureux, le narrateur lui fait immédiatement
succéder l’apparition théâtrale et comique de Monsieur Arnoux qui sort de
l’escalier comme des coulisses : Ma femme, es-tu prête?
Il s’agit
bien d’une chute comique.
Le narrateur
ne ridiculise pas Frédéric en appuyant sur son décalage ; ce sont les
situations romanesques qui vont suffire à montrer l’inadaptation de son
personnage.
Conclusion
Le lecteur
peut d’ores et déjà imaginer que la romance avec Mme Arnoux n’aboutira pas : Frédéric
croit voir quelque chose qui en réalité n’est que le produit de son
imagination.
Enfin nous
sommes amenés à nous interroger sur la position du narrateur par rapport à son personnage
: que pense-t-il de lui ? Qu’éprouve-t-il pour lui ?
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